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dans toute sa longueur à chacun de ses efforts ; et la Perle s’en venait vers la côte. Le père Roland, assis à l’avant afin de laisser tout le banc d’arrière aux deux femmes, s’époumonait à commander : « Doucement, le un — souque le deux. » Le un redoublait de rage et le deux ne pouvait répondre à cette nage désordonnée.

Le patron, enfin, ordonna : « Stop ! » Les deux rames se levèrent ensemble, et Jean, sur l’ordre de son père, tira seul quelques instants. Mais à partir de ce moment l’avantage lui resta ; il s’animait, s’échauffait, tandis que Pierre, essoufflé, épuisé par sa crise de vigueur, faiblissait et haletait. Quatre fois de suite, le père Roland fit stopper pour permettre à l’aîné de reprendre haleine et de redresser la barque dérivant. Le docteur alors, le front en sueur, les joues pâles, humilié et rageur, balbutiait :

— Je ne sais pas ce qui me prend, j’ai un spasme au cœur. J’étais très bien parti, et cela m’a coupé les bras.

Jean demandait :