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Elle murmura : « C’est si affreux pour une jeune fille d’épouser un mari comme le mien. » Jean ne répondait pas. Il pensait à celui dont il avait cru jusqu’ici être le fils, et peut-être la notion confuse qu’il portait depuis longtemps de la médiocrité paternelle, l’ironie constante de son frère, l’indifférence dédaigneuse des autres et jusqu’au mépris de la bonne pour Roland avaient-ils préparé son âme à l’aveu terrible de sa mère. Il lui en coûtait moins d’être le fils d’un autre ; et après la grande secousse d’émotion de la veille, s’il n’avait pas eu le contre-coup de révolte, d’indignation et de colère redouté par Mme Roland, c’est que depuis bien longtemps il souffrait inconsciemment de se sentir l’enfant de ce lourdaud bonasse.

Ils étaient arrivés devant la maison de Mme Rosémilly.

Elle habitait, sur la route de Sainte-Adresse, le deuxième étage d’une grande construction qui lui appartenait. De ses fenêtres on découvrait toute la rade du Havre.