Page:Maupassant - Mont-Oriol, éd. Conard, 1910.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rien pressentir, elle voulait voir ce qu’il ferait.

Et puis en elle s’était développée tout à coup cette coquetterie native qui couve dans les veines de toutes les créatures femelles. L’enfant endormie et naïve d’hier s’était réveillée brusquement souple et perspicace en face de cet homme qui lui parlait sans cesse d’amour. Elle devinait le trouble croissant de sa pensée auprès d’elle, elle voyait l’émotion naissante de son regard, et elle comprenait les intonations différentes de sa voix, avec cette intuition particulière de celles qui se sentent sollicitées d’aimer.

D’autres hommes déjà lui avaient fait la cour dans les salons sans obtenir d’elle autre chose que des moqueries de gamine égayée. La banalité de leurs compliments l’amusait ; leurs mines de soupirants tristes l’emplissaient de joie ; et elle répondait par des niches à toutes les manifestations de leur émotion.

Avec celui-là, elle s’était sentie soudain en face d’un adversaire séduisant et dangereux ; et elle était devenue cet être adroit, clairvoyant par instinct, armé d’audace et de sang-froid, qui, tant que son cœur reste libre, guette, surprend et entraîne les hommes dans l’invisible filet du sentiment.

Lui, dans les premiers temps, l’avait trouvée