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on, les clercs pour son service particulier. C’est une de ces respectables bourgeoises à vices secrets et à principes inflexibles, comme il en est beaucoup. Elle aimait les beaux garçons ; quoi de plus naturel ? N’aimons-nous pas les belles filles ?

Une fois que le père Bonderoi fut mort, la veuve se mit à vivre en rentière paisible et irréprochable. Elle fréquentait assidûment l’église, parlait dédaigneusement du prochain, et ne laissait rien à dire sur elle.

Puis elle vieillit, elle devint la petite bonne femme que vous connaissez, pincée, sûrie, mauvaise.

Or, voici l’aventure invraisemblable arrivée jeudi dernier.

Mon ami Jean d’Anglemare est, vous le savez, capitaine aux dragons, caserné dans le faubourg de la Rivette.

En arrivant au quartier, l’autre matin, il apprit que deux hommes de sa compagnie s’étaient flanqué une abominable tripotée. L’honneur militaire a des lois sévères. Un duel eut lieu. Après l’affaire, les soldats se réconcilièrent ; et, interrogés par leur officier, lui racontèrent le sujet de la querelle. Ils s’étaient battus pour Mme Bonderoi.