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« Je me déguisai moi-même en cuirassier. Et Sorieul nous fit exécuter un mouvement compliqué. Puis il s’écria : « Puisque nous sommes ce soir des soudards, buvons comme des soudards. »

« Un punch fut allumé, avalé, puis une seconde fois la flamme s’éleva sur le bol rempli de rhum. Et nous chantions à pleine gueule des chansons anciennes, des chansons que braillaient jadis les vieux troupiers de la grande armée.

« Tout à coup Le Poittevin, qui restait, malgré tout, presque maître de lui, nous fit taire ; puis, après un silence de quelques secondes, il dit à mi-voix : « Je suis sûr qu’on a marché dans l’atelier. » Sorieul se leva comme il put, et s’écria : « Un voleur ! quelle chance ! » Puis, soudain, il entonna la Marseillaise :

Aux armes, citoyens !

« Et, se précipitant sur une panoplie, il nous équipa, selon nos uniformes. J’eus une sorte de mousquet et un sabre ; Le Poittevin, un gigantesque fusil à baïonnette, et Sorieul, ne trouvant pas ce qu’il fallait, s’empara d’un pistolet d’arçon qu’il glissa dans sa ceinture,