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a quand on cherche à comprendre des gens qui parlent devant vous une langue étrangère. Et il demanda d’un air tout à fait drôle :

— Qu’est-ce que tu lui as dit ?

— Je lui ai demandé si nous pouvions fumer ?

— Elle ne sait donc pas le français ?

— Pas un mot.

— Qu’a-t-elle répondu ?

— Qu’elle nous autorisait à faire tout ce qui nous plairait.

Et j’allumai mon cigare.

Paul reprit : « C’est tout ce qu’elle a dit ? »

— Mon cher, si tu avais compté ses paroles, tu aurais remarqué qu’elle en a prononcé juste six, dont deux pour me faire comprendre qu’elle n’entendait pas le français. Il en reste donc quatre. Or, en quatre mots, on ne peut vraiment exprimer une quantité de choses. »

Paul semblait tout à fait malheureux, désappointé, désorienté.

Mais soudain l’Italienne me demanda de ce même ton mécontent qui lui paraissait naturel : « Savez-vous à quelle heure nous arriverons à Gênes ? »

Je répondis : « À onze heures du soir, madame. »