Page:Maupassant - Les Sœurs Rondoli.djvu/206

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais elle trépignait de fureur, et elle lui fit une de ces scènes conjugales qui rendent le foyer familial plus redoutable pour un homme pacifique qu’un champ de bataille où pleuvent les balles.

Elle ajusta une pièce avec un morceau de soie coupé sur l’ancien parapluie, qui était de couleur différente ; et, le lendemain Oreille partit, d’un air humble, avec l’instrument raccommodé. Il le posa dans son armoire et n’y pensa plus que comme on pense à quelque mauvais souvenir.

Mais à peine fut-il rentré, le soir, sa femme lui saisit son parapluie dans les mains, l’ouvrit pour constater son état, et demeura suffoquée devant un désastre irréparable. Il était criblé de petits trous provenant évidemment de brûlures, comme si on eût vidé dessus la cendre d’une pipe allumée. Il était perdu, perdu sans remède.

Elle contemplait cela sans dire un mot, trop indignée pour qu’un son pût sortir de sa gorge. Lui aussi, il constatait le dégât et il restait stupide, épouvante, consterné.

Puis ils se regardèrent ; puis il baissa les yeux ; puis il reçut par la figure l’objet crevé qu’elle lui jetait ; puis elle cria, retrouvant sa voix dans un emportement de fureur :