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« C’est stupide !… mais je suis… je suis f… ! »

Comme il se taisait, je repris : Ça, voyons, parle. » Alors, il prononça brusquement, comme s’il eût jeté hors de lui une pensée torturante, inavouée encore.

« Eh bien ! j’ai une femme qui me tue… voilà. »

Je ne comprenais pas. — « Elle te rend malheureux ? Elle te fait souffrir jour et nuit ? Mais comment ? En quoi ? »

Il murmura d’une voix faible, comme s’il se fût confessé d’un crime : — Non… je l’aime trop.

Je demeurai interdit devant cet aveu brutal. Puis une envie de rire me saisit, puis enfin, je pus répondre :

— Mais il me semble que tu… que tu pourrais… l’aimer moins.

Il était redevenu très pâle. Il se décida enfin à me parler à cœur ouvert, comme autrefois :

« Non. je ne peux pas. Et je meurs. Je le sais. Je meurs. Je me tue. Et j’ai peur. Dans certains jours, comme aujourd’hui, j’ai envie de la quitter, de m’en aller pour tout à fait, de partir au bout du monde, pour vivre, pour vivre longtemps. Et puis, quand le soir vient, je rentre à la maison, malgré moi, à petits pas, l’esprit torturé. Je monte l’escalier len-