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cinq doigts ouverts dans ses cheveux fort dérangés par cette nuit de voyage. Puis il s’assit en face de l’inconnue.

Chaque fois que je me trouve, soit en route, soit dans le monde, devant un visage nouveau, j’ai l’obsession de deviner quelle âme, quelle intelligence, quel caractère se cachent derrière ces traits.

C’était une jeune femme, toute jeune et toute jolie, une fille du Midi assurément. Elle avait des yeux superbes, d’admirables cheveux noirs, ondulés, un peu crêpelés, tellement touffus, vigoureux et longs qu’ils semblaient lourds, qu’ils donnaient rien qu’à les voir la sensation de leur poids sur la tête. Vêtue avec élégance et un certain mauvais goût méridional, elle semblait un peu commune. Les traits réguliers de sa face n’avaient point cette grâce, ce fini des races élégantes, cette délicatesse légère que les fils d’aristocrates reçoivent en naissant et qui est comme la marque héréditaire d’un sang moins épais.

Elle portait des bracelets trop larges pour être en or, des boucles d’oreilles ornées de pierres transparentes trop grosses pour être des diamants ; et elle avait dans toute sa personne un je ne sais quoi de peuple. On devinait qu’elle devait parler trop fort,