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rait son bâton dans sa main avec l’envie vague de frapper à tour de bras sur le premier passant qu’il rencontrerait rentrant chez lui manger la soupe.

Il regardait les bords de la route avec l’image, dans les yeux, de pommes de terre défouies, restées sur le sol retourné. S’il en avait trouvé quelques-unes, il eût ramassé du bois mort, fait un petit feu dans le fossé, et bien soupé, ma foi, avec le légume chaud et rond, qu’il eût tenu d’abord, brûlant, dans ses mains froides.

Mais la saison était passée, et il devrait, comme la veille, ronger une betterave crue, arrachée dans un sillon.

Depuis deux jours il parlait haut en allongeant le pas sous l’obsession de ses idées. Il n’avait guère pensé, jusque-là, appliquant tout son esprit, toutes ses simples facultés, à sa besogne professionnelle. Mais voilà que la fatigue, cette poursuite