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un abîme, elle s’enfonçait dans le sol. Sa marche éveillait bien l’idée d’une tempête, tant elle se balançait en même temps ; et sa tête toujours coiffée d’un énorme bonnet blanc, dont les rubans lui flottaient dans le dos, semblait traverser l’horizon, du nord au sud et du sud au nord, à chacun de ses mouvements.

J’adorais cette mère Clochette. Aussitôt levé je montais dans la lingerie où je la trouvais installée à coudre, une chaufferette sous les pieds. Dès que j’arrivais, elle me forçait à prendre cette chaufferette et à m’asseoir dessus pour ne pas m’enrhumer dans cette vaste pièce froide, placée sous le toit.

— Ça te tire le sang de la gorge, disait-elle.

Elle me contait des histoires, tout en reprisant le linge avec ses longs doigts crochus, qui étaient vifs ; ses yeux derrière ses lunettes aux verres grossissants, car l’âge avait affaibli sa vue, me paraissaient énormes, étrangement profonds, doubles.

Elle avait, autant que je puis me rappeler les choses qu’elle me disait et dont mon cœur d’enfant était remué, une âme magnanime de pauvre femme. Elle voyait gros et simple. Elle me contait les événements du bourg, l’histoire d’une vache qui s’était sauvée de l’étable et qu’on avait retrouvée, un matin,