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façon. Je sais bien que j’aurais pas dû la secourir pendant que l’autre buvait son coup. Mais je ne pensais pas qu’il se serait noyé. Je me disais : « Bah ! ça le rafraîchira ! »

Je cours donc aux femmes pour les séparer. Et j’en reçois des gnons, des coups d’ongles et des coups de dents. Cristi, quelles rosses !

Bref, il me fallut bien cinq minutes, peut-être dix, pour séparer ces deux crampons- là.

J’me r’tourne. Pu rien. L’eau calme comme un lac. Et les autres là- bas qui criaient : « Repêchez-le, repêchez-le. »

C’est bon à dire, ça, mais je ne sais pas nager, moi, et plonger encore moins, pour sur !

Enfin le barragiste est venu et deux messieurs avec des gaffes, ça avait bien duré un grand quart d’heure. On l’a retrouvé au fond du trou, sous huit pieds d’eau, comme j’avais dit, mais il y était, le petit coutil !

Voilà les faits tels que je les jure. Je suis innocent, sur l’honneur.

Les témoins ayant déposé dans le même sens, le prévenu fut acquitté.


Le Trou a paru dans le Gil-Blas du mardi 9 novembre 1886.