Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/82

Cette page n’a pas encore été corrigée

Donc, il ne s’était pas écoulé un quart d’heure que le petit coutil en prit encore un, de chevesne — et un autre presque pardessus, et encore un cinq minutes plus tard.

Moi, j’en avais les larmes aux yeux. Et puis je sentais Mme Renard en ébullition ; elle me lancicotait sans cesse : « Ah ! misère ! crois-tu qu’il te le vole, ton poisson ? Crois-tu ? Tu ne prendras rien, toi, pas une grenouille, rien de rien, rien. Tiens, j’ai du feu dans la main, rien que d’y penser. »

Moi, je me disais : — Attendons midi. Il ira déjeuner, ce braconnier-là, et je la reprendrai, ma place. Vu que moi, m’sieu l’président, je déjeune sur les lieux tous les dimanches. Nous apportons les provisions dans Dalila.

Ah ! ouiche. Midi sonne ! Il avait un poulet dans un journal, le malfaiteur, et pendant qu’il mange, v’là qu’il en prend encore un, de chevesne !

Mélie et moi nous cassions une croûte aussi, comme ça, sur le pouce, presque rien, le cœur n’y était pas.

Alors, pour faire digestion, je prends mon journal. Tous les dimanches, comme ça, je lis le Gil-Blas, à l’ombre, au bord de l’eau. C’est le jour de Colombine, vous savez bien,