Page:Maupassant - Le Horla, OC, Conard, 1909.djvu/81

Cette page n’a pas encore été corrigée

Donc, nous avions mis Dalila sous les saules, nous étions descendus, et nous pêchions, coude à coude, Mélie et moi, juste à côté des deux autres.

Ici, m’sieu l’président, il faut que j’entre dans le détail.

Y avait pas cinq minutes que nous étions là quand la ligne du voisin s’met à plonger deux fois, trois fois ; et puis voilà qu’il en amène un, de chevesne, gros comme ma cuisse, un peu moins p’t-être, mais presque ! Moi, le cœur me bat ; j’ai une sueur aux tempes, et Mélie qui me dit : « Hein, pochard, l’as-tu vu, celui-là ! »

Sur ces entrefaites, M. Bru, l’épicier de Poissy, un amateur de goujon, lui, passe en barque et me crie : « On vous a pris votre endroit, monsieur Renard ? » Je lui réponds : «Oui, monsieur Bru, il y a dans ce monde des gens pas délicats qui ne savent pas les usages. »

Le petit coutil d’à côté avait l’air de ne pas entendre, sa femme non plus, sa grosse femme, un veau quoi ! »

Le président interrompit une seconde fois : « Prenez-garde ! Vous insultez Mme veuve Flamèche, ici présente. »

Renard s’excusa : « Pardon, pardon, c’est la passion qui m’emporte.