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Pourquoi ? Oh ! je me rappelle à présent les paroles du moine du mont Saint-Michel : « Est-ce que nous voyons la cent millième partie de ce qui existe ? Tenez, voici le vent qui est la plus grande force de la nature, qui renverse les hommes, abat les édifices, déracine les arbres, soulève la mer en montagnes d’eau, détruit les falaises et jette aux brisants les grands navires, le vent qui tue, qui siffle, qui gémit, qui mugit, l’avez -vous vu et pouvez-vous le voir ? Il existe pourtant ! »

Et je songeais encore : mon œil est si faible, si imparfait, qu’il ne distingue même point les corps durs, s’ils sont transparents comme le verre !... Qu’une glace sans tain barre mon chemin, il me jette dessus comme l’oiseau entré dans une chambre se casse la tête aux vitres. Mille choses en outre le trompent et l’égarent ? Quoi d’étonnant, alors, à ce qu’il ne sache point apercevoir un corps nouveau que la lumière traverse.

Un être nouveau ! pourquoi pas ? Il devait venir assurément ! pourquoi serions- nous les derniers ? Nous ne le distinguons point, ainsi que tous les autres créés avant nous ? C’est que sa nature est plus parfaite, son corps plus fin et plus fini que le nôtre, que le nôtre si faible, si maladroitement conçu, encombré d’organes toujours fatigués, toujours forcés