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car depuis le jour de la rupture, depuis le jour où il avait failli la tuer, il n’avait rien su d’elle. Certes, il n’avait pas non plus désiré savoir, car il l’avait jetée avec résolution dans une fosse d’oubli, elle, et ses jours de bonheur ; mais voilà qu’il sentait naître en lui tout à coup, maintenant qu’elle était morte, un ardent désir d’apprendre, un désir jaloux, presque un désir d’amant.

Il reprit :

— Elle n’était pas seule, n’est-ce pas ?

— Non, elle vivait toujours avec lui.

Le vieillard tressaillit.

— Avec lui ! Avec Pravallon ?

— Mais oui.

Et l’homme jadis trahi calcula que cette même femme qui l’avait trompé était demeurée plus de trente ans avec son rival. Ce fut presque malgré lui qu’il balbutia :

— Furent-ils heureux ensemble ?

En ricanant, le jeune homme répondit :

— Mais oui, avec des hauts et des bas ! Ça aurait été très bien sans moi. J’ai toujours tout gâté, moi.

— Comment et pourquoi ? dit le prêtre.

— Je vous l’ai déjà raconté. Parce qu’il a cru que j’étais son fils jusqu’à mon âge de