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— Eh ben ! c’est maman qui s’est trompée en vous narguant, v’là tout.

Redevenant aussi plus maître de lui, après ce mouvement de fureur, l’abbé, à son tour, interrogea,

— Et qui vous a dit, à vous, que vous étiez mon fils ?

— Elle, en mourant, m’sieu l’curé… Et puis ça !

Et il tendait, sous les yeux du prêtre, la petite photographie.

Le vieillard la prit, et lentement, longuement, le cœur soulevé d’angoisse, il compara ce passant inconnu avec son ancienne image, et il ne douta plus, c’était bien son fils.

Une détresse emporta son âme, une émotion inexprimable, affreusement pénible, comme le remords d’un crime ancien. Il comprenait un peu, il devinait le reste, il revoyait la scène brutale de la séparation. C’était pour sauver sa vie, menacée par l’homme outragé, que la femme, la trompeuse et perfide femelle lui avait jeté ce mensonge. Et le mensonge avait réussi. Et un fils de lui était né, avait grandi, était devenu ce sordide coureur de routes, qui sentait le vice comme un bouc sent la bête.