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le cœur broyé par ce doute. Dites-moi lequel, et je vous jure que je le pardonnerai, que je le traiterai comme les autres.

— Je n’en ai pas le droit.

— Vous ne voyez donc pas que je ne peux plus supporter cette vie, cette pensée qui me ronge, et cette question que je me pose sans cesse, cette question qui me torture chaque fois que je les regarde. J’en deviens fou.

Elle demanda :

— Vous avez donc beaucoup souffert ?

— Affreusement. Est-ce que j’aurais accepté, sans cela, l’horreur de vivre à votre côté et l’horreur, plus grande encore, de sentir, de savoir parmi eux qu’il y en a un, que je ne puis connaître, et qui m’empêche d’aimer les autres ?

Elle répéta :

— Alors, vous avez vraiment souffert beaucoup ?

Il répondit d’une voix contenue et. douloureuse :

— Mais, puisque je vous répète tous les jours que c’est pour moi un intolérable supplice. Sans cela, serais-je revenu ? serais-je demeuré dans cette maison, près de vous et près d’eux, si je ne les aimais pas, eux ? Ah ! vous vous