Page:Maupassant - L’Inutile Beauté, OC, Conard, 1908.djvu/214

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il se tut. Que lui dire ? Je trouvais qu’il avait raison ! Pouvais-je la blâmer, la mépriser, même lui donner tort à elle ? Non. Cependant ? Le dénouement conforme à la règle, à la moyenne, à la vérité, à la vraisemblance, ne satisfaisait pas mon appétit poétique. Ces moignons héroïques appelaient un beau sacrifice qui me manquait, et j’en éprouvais une déception.

Je lui demandai tout à coup :

— Mme de Fleurel a des enfants ?

— Oui, une fille et deux garçons. C’est pour eux que je porte ces jouets. Son mari et elle ont été très bons pour moi.

Le train montait la rampe de Saint-Germain. Il passa les tunnels, entra en gare, s’arrêta.

J’allais offrir mon bras pour aider la descente de l’officier mutilé quand deux mains se tendirent vers lui, par la portière ouverte :

— Bonjour ! mon cher Revalière.

— Ah ! bonjour, Fleurel.

Derrière l’homme, la femme souriait radieuse, encore jolie, envoyant des « bonjour ! » de ses doigts gantés. Une petite fille, à côté d’elle, sautillait de joie, et deux garçonnets regardaient avec des yeux avides le tambour