Page:Maupassant - L’Inutile Beauté, OC, Conard, 1908.djvu/124

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’ignoraient point ce partage, qu’ils en parlaient entre eux, et même avec elle, par allusions voilées qui la faisaient beaucoup rire. Seul, "N’a-qu’un-Oeil" semblait tout ignorer ; et cette position spéciale faisait naître une gêne entre lui et nous, paraissait le mettre à l’écart, l’isoler, élever une barrière à travers notre ancienne confiance et notre ancienne intimité. Cela lui donnait pour nous un rôle difficile, un peu ridicule, un rôle d’amant trompé, presque de mari.

Comme il était fort intelligent, doué d’un esprit spécial de pince-sans-rire nous nous demandions quelquefois, avec une certaine inquiétude, s’il ne se doutait de rien.

Il eut soin de nous renseigner, d’une façon pénible pour nous. On allait déjeuner à Bougival, et nous ramions avec vigueur, quand La Tôque, qui avait, ce matin-là, une allure triomphante d’homme satisfait et qui, assis côte à côte avec la barreuse, semblait se serrer contre elle un peu trop librement à notre avis, arrêta la nage en criant "Stop ! ".

Les huit avirons sortirent de l’eau.

Alors, se tournant vers sa voisine, il demanda :

"Pourquoi t’appelle-t-on Mouche ? "