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le champ d’oliviers.

L’assassin semblait toujours dormir. On le souleva, on le secoua, on le battit. Il ouvrit les yeux et parut ne rien comprendre, car il avait l’air tout à fait ivre.

On lui montra le mort avec sa plaie horrible qui faisait un trou rouge entre la poitrine et la tête. Il en eut grand’peur.

Le maire et les gendarmes arrivèrent et, après les constatations d’usage sur la position du cadavre, celle du prétendu dormeur, sur la place où l’instrument du crime avait été retrouvé, sur la chute de la lampe qui laissait supposer une courte lutte, on reçut la première déposition de la servante.

Elle raconta et affirma, sous la foi du serment, qu’elle était entrée à l’instant où l’homme se tenait encore penché sur le prêtre ; et qu’il s’était aussitôt précipité sur elle le couteau levé. Elle n’avait du son salut qu’en lui jetant à la tête son luminaire et en se sauvant à toutes jambes. On retrouva en effet le quinquet de cuisine de la servante auprès de l’endroit où le vagabond dormait ou feignait de dormir. La preuve semblait faite.

Mais on se perdit en conjectures sur la raison qui avait pu déterminer le meurtrier à rester sur le lieu du crime au lieu de fuir.

Une voix dit :

— Il était trop saoul pour s’en aller.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Philippe-Auguste fut jugé à Aix, en Provence, et condamné à mort. Jusqu’au dernier moment il protesta de son innocence avec une énergie désespérée qui ébranla souvent la conviction de ses juges.

Mais les charges contre lui étaient accablantes, aggravées surtout par la déposition de la bonne.

Pour se défendre, il racontait une histoire bizarre, d’où il serait résulté que l’ecclésiastique était son père naturel. On ne le crut pas ; car l’idée ne vint jamais à personne que l’abbé Vilbois, peut-être, avait pu se couper la gorge.

Le prévenu, à bout d’arguments, appela le témoignage d’un honorable sénateur, M. le comte de Pravallon. Mais les renseignements fournis par ce témoin sur les antécédents de l’accusé furent si déplorables qu’ils déterminèrent sa condamnation.

Il fut guillotiné en place publique.