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de valeur. » Bertin appréciait son adresse et sa vigueur. Ils allaient à la même salle d’armes, chassaient ensemble souvent, et se rencontraient à cheval dans les allées du bois. Entre eux était donc née une sympathie de goûts communs, cette franc-maçonnerie instinctive que crée entre deux hommes un sujet de conversation tout trouvé, agréable à l’un comme à l’autre.

Quand on présenta le marquis à Annette de Guilleroy, il eut brusquement le soupçon des combinaisons de sa tante, et, après s’être incliné, il la parcourut d’un regard rapide d’amateur.

Il la jugea gentille, et surtout pleine de promesses, car il avait tant conduit de cotillons qu’il s’y connaissait en jeunes filles et pouvait prédire presque à coup sûr l’avenir de leur beauté, comme un expert qui goûte un vin trop vert.

Il échangea seulement avec elle quelques phrases insignifiantes, puis s’assit auprès de la baronne de Corbelle, afin de potiner à mi-voix.

On se retira de bonne heure, et quand tout le monde fut parti, l’enfant couchée, les lampes éteintes, les domestiques remontés en leurs chambres, le comte de Guilleroy, marchant à travers le salon, éclairé seulement par deux bougies, retint longtemps la comtesse ensommeillée sur un fauteuil, pour développer ses espérances, détailler l’attitude à garder, prévoir toutes les