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elle ne répondait pas au type de la femme idéale, que son espoir aveugle avait créé. Quiconque appelle l’amour, a prévu les qualités morales et les dons physiques de celle qui le séduira ; et Mme de Guilleroy, bien qu’elle lui plût infiniment, ne lui paraissait pas être celle-là.

Mais pourquoi l’occupait-elle ainsi, plus que les autres, d’une façon différente, incessante ?

Était-il tombé simplement dans le piège tendu de sa coquetterie, qu’il avait flairé et compris depuis longtemps, et, circonvenu par ses manœuvres, subissait-il l’influence de cette fascination spéciale que donne aux femmes la volonté de plaire ?

Il marchait, s’asseyait, repartait, allumait des cigarettes et les jetait aussitôt ; et il regardait à tout instant l’aiguille de sa pendule, allant vers l’heure ordinaire d’une façon lente et immuable.

Plusieurs fois déjà, il avait hésité à soulever, d’un coup d’ongle, le verre bombé sur les deux flèches d’or qui tournaient, et à pousser la grande du bout du doigt jusqu’au chiffre qu’elle atteignait si paresseusement.

Il lui semblait que cela suffirait pour que la porte s’ouvrît et que l’attendue apparut, trompée et appelée par cette ruse. Puis il s’était mis à sourire de cette envie enfantine obstinée et déraisonnable.

Il se posa enfin cette question : « Pourrai-je devenir son amant ? » Cette idée lui parut singu-