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— Oh, ne parlez pas encore de ça ! Vous ne vouliez pas quitter Roncières quand je n’y étais pas. J’arrive, et vous ne pensez plus qu’à filer.

— Mais, mon cher ami, dit-elle, nous ne pouvons pourtant demeurer ici indéfiniment tous les trois.

— Il ne s’agit point d’indéfiniment, mais de quelques jours. Combien de fois suis-je resté chez vous des semaines entières ?

— Oui, mais en d’autres circonstances, alors que la maison était ouverte à tout le monde.

Alors Annette, d’une voix câline :

— Oh, maman ! quelques jours encore, deux ou trois. Il m’apprend si bien à jouer au tennis. Je me fâche quand je perds, et puis après je suis si contente d’avoir fait des progrès !

Le matin même, la comtesse projetait de faire durer jusqu’au dimanche ce séjour mystérieux de l’ami, et maintenant elle voulait partir, sans savoir pourquoi. Cette journée qu’elle avait espérée si bonne, lui laissait à l’âme une tristesse inexprimable et pénétrante, une appréhension sans cause, tenace et confuse comme un pressentiment.

Quand elle se retrouva seule dans sa chambre, elle chercha même d’où lui venait ce nouvel accès mélancolique.

Avait-elle subi une de ces imperceptibles émotions dont l’effleurement a été si fugitif que la rai-