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sait beau dehors, et, peut-être, parce qu’il avait reconnu tout à l’heure la voix rajeunie de cette femme. Combien peu de chose il faut pour émouvoir le cœur d’un homme, d’un homme vieillissant, chez qui le souvenir se fait regret !

Comme autrefois, le besoin de la revoir lui venait, entrait dans son esprit et dans sa chair à la façon d’une fièvre ; et il se mit à penser à elle un peu comme font les jeunes amoureux, en l’exaltant en son cœur et en s’exaltant lui-même pour la désirer davantage ; puis il se décida, bien qu’il l’eût vue dans la matinée, à aller lui demander une tasse de thé, le soir même.

Les heures lui parurent longues, et, en sortant pour descendre au boulevard Malesherbes, une peur vive le saisit de ne pas la trouver et d’être forcé de passer encore cette soirée tout seul, comme il en avait passé bien d’autres, pourtant.

À sa demande : — « La comtesse est-elle chez elle ? » — le domestique répondant : — « Oui, Monsieur » — fit entrer de la joie en lui.

Il dit, d’un ton radieux : — « C’est encore moi » — en apparaissant au seuil du petit salon où les deux femmes travaillaient sous les abat-jour roses d’une lampe à double foyer en métal anglais, portée sur une tige haute et mince.

La comtesse s’écria :

— Comment, c’est vous ! Quelle chance !