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aperçut, ne s’arrêta plus. Parfois même il fredonnait les paroles :


Amour sacré de la patrie,
Conduis, soutiens, nos bras vengeurs,
Liberté, liberté chérie,
Combats avec tes défenseurs !


On fuyait plus vite, la neige étant plus dure ; et jusqu’à Dieppe, pendant les longues heures mornes du voyage, à travers les cahots du chemin, par la nuit tombante, puis dans l’obscurité profonde de la voiture, il continua, avec une obstination féroce, son sifflement vengeur et monotone, contraignant les esprits las et exaspérés à suivre le chant d’un bout à l’autre, à se rappeler chaque parole qu’ils appliquaient sur chaque mesure.

Et Boule de Suif pleurait toujours ; et parfois un sanglot, qu’elle n’avait pu retenir, passait, entre deux couplets, dans les ténèbres.