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Alors, de quoi se plaint-on ? De ce que le vice triomphe à la fin ? Cela n’arrive-t-il jamais et ne pourrait-on citer personne parmi les financiers puissants dont les débuts aient été aussi douteux que ceux de Georges Duroy ?

Quelqu’un peut-il se reconnaître dans un seul de mes personnages ? Non. — Peut-on affirmer même que j’aie songé à quelqu’un ? Non. — Car je n’ai visé personne.

J’ai décrit le journalisme interlope comme on décrit le monde interlope. Cela était-il donc interdit ?

Et si on me reproche de voir trop noir, de ne regarder que des gens véreux, je répondrai justement que ce n’est pas dans le milieu de mes personnages que j’aurais pu rencontrer beaucoup d’êtres vertueux et probes. Je n’ai pas inventé ce proverbe : « Qui se ressemble, s’assemble ».

Enfin, comme dernier argument, je prierai les mécontents de relire l’immortel roman qui a donné un titre à ce journal : Gil Blas, et de me faire ensuite la liste des gens sympathiques que Le Sage nous a montrés, bien que dans son œuvre il ait parcouru un peu tous les mondes.

Je compte, mon cher rédacteur en chef, que vous voudrez bien donner l’hospitalité à cette défense, et je vous serre bien cordialement la main.

Guy de Maupassant.