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forts en escrime, mais très faibles sur les engrais. Il faudrait au contraire ouvrir largement ce pays neuf à tout le monde. Les hommes intelligents s’y feront une place, les autres succomberont. C’est la loi sociale.

Un léger silence suivit. On souriait.

Georges Duroy ouvrit la bouche et prononça, surpris par le son de sa voix, comme s’il ne s’était jamais entendu parler :

— Ce qui manque le plus là-bas, c’est la bonne terre. Les propriétés vraiment fertiles coûtent aussi cher qu’en France, et sont achetées, comme placements de fonds, par des Parisiens très riches. Les vrais colons, les pauvres, ceux qui s’exilent faute de pain, sont rejetés dans le désert, où il ne pousse rien, par manque d’eau.

Tout le monde le regardait. Il se sentit rougir. M. Walter demanda :

— Vous connaissez l’Algérie, monsieur ?

Il répondit :

— Oui, monsieur, j’y suis resté vingt-huit mois, et j’ai séjourné dans les trois provinces.

Et brusquement, oubliant la question Morel, Norbert de Varenne l’interrogea sur un détail de mœurs qu’il tenait d’un officier. Il s’agissait du Mzab, cette étrange petite république arabe née au milieu du Sahara, dans