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style bizarre, poétique et risible, orné comme celui des Indiens, plein de noms de bêtes et d’oiseaux.

Dès qu’ils étaient seuls elle l’embrassait avec des gentillesses lourdes de grosse gamine, des moues de lèvres un peu grotesques, des sauteries qui secouaient sa poitrine trop pesante sous l’étoffe du corsage.

Il était surtout écœuré de l’entendre dire « Mon rat », « Mon chien », « Mon chat », « Mon bijou », « Mon oiseau bleu », « Mon trésor », et de la voir s’offrir à lui chaque fois avec une petite comédie de pudeur enfantine, de petits mouvements de crainte qu’elle jugeait gentils et de petits jeux de pensionnaire dépravée.

Elle demandait : « À qui cette bouche-là ? » Et quand il ne répondait pas tout de suite : « C’est à moi », elle insistait jusqu’à le faire pâlir d’énervement.

Elle aurait dû sentir, lui semblait-il, qu’il faut, en amour, un tact, une adresse, une prudence et une justesse extrêmes ; que s’étant donnée à lui, elle, mûre, mère de famille, femme du monde, elle devait se livrer gravement, avec une sorte d’emportement contenu, sévère, avec des larmes peut-être, mais avec les larmes de Didon, non plus avec celles de Juliette.