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— Ça va bien, monsieur ?

Il répondit :

— Mais oui, mon enfant.

Et il entra dans le salon, où une main maladroite faisait des gammes sur le piano. C’était Laurine. Il crut qu’elle allait lui sauter au cou. Elle se leva gravement, salua avec cérémonie, ainsi qu’aurait fait une grande personne, et se retira d’une façon digne.

Elle avait une telle allure de femme outragée, qu’il demeura surpris. Sa mère entra. Il lui prit et lui baisa les mains.

— Combien j’ai pensé à vous, dit-il.

— Et moi, dit-elle.

Ils s’assirent. Ils se souriaient, les yeux dans les yeux, avec une envie de s’embrasser sur les lèvres.

— Ma chère petite Clo, je vous aime.

— Et moi aussi.

— Alors… alors… tu ne m’en as pas trop voulu ?

— Oui et non… Ça m’a fait de la peine, et puis j’ai compris ta raison, et je me suis dit : « Bah ! il me reviendra un jour ou l’autre. »

— Je n’osais pas revenir ; je me demandais comment je serais reçu. Je n’osais pas, mais j’en avais rudement envie. À propos, dis-moi donc ce qu’a Laurine. Elle m’a à peine dit bonjour et elle est partie d’un air furieux.