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ces ténèbres de sable. On respirait du sable, on buvait du sable, on mangeait du sable. Les yeux en étaient remplis, les cheveux en étaient poudrés ; il se glissait par le cou, par les manches, jusque dans nos bottes.

Ce fut ainsi toute la nuit. Une soif ardente nous torturait. Mais l’eau, le lait, le café, tout était plein de sable qui craquait sous notre dent. Le mouton rôti en était poivré ; le kous-kous semblait fait uniquement de fins graviers roulés ; la farine du pain n’était plus que de la pierre pilée menu.

Un gros scorpion vint nous voir. Ce temps, qui plaît à ces bêtes, les fait toutes sortir de leurs trous. Les chiens du douar voisin ne hurlèrent pas ce soir-là.

Puis, au matin, tout était fini ; et le grand tyran meurtrier de l’Afrique, le soleil, se leva, superbe, sur un horizon clair.

On partit un peu tard, cette inondation de sable ayant troublé notre sommeil.

Devant nous s’élevait la chaîne du Djebel-Gada qu’il fallait traverser. Un défilé s’ouvrait sur la droite ; on suivit la montagne jusqu’au passage, où l’on s’engagea. Nous retrouvions l’alfa, l’horrible alfa. Puis soudain je crus découvrir la trace effacée d’une route, des