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ce même pouvoir, qui ne peut être, de toute façon, qu'absolument défectueux. Voilà.


Des cris d'indignation s'élevèrent autour de la table, et tous, légitimiste, orléaniste, républicains par nécessité, se fâchèrent tout rouge. M. Patissot, particulièrement, suffoquait et, se tournant vers M. Rade :

"Alors, Monsieur, vous ne croyez à rien."

L'autre répondit simplement :

"Non, Monsieur."

La colère qui souleva tous les convives empêcha M. Rade de continuer, et M. Perdrix, redevenant chef, ferma la discussion.

"Assez, Messieurs, je vous en prie. Nous avons chacun notre opinion, n'est-ce pas, et nous ne sommes pas disposés à en changer."

On approuva cette parole juste. Mais M. Rade, toujours révolté, voulut avoir le dernier mot.

"J'ai pourtant une morale, dit-il, elle est bien simple et toujours applicable ; une phrase la formule, la voici : "Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît." Je vous défie de la mettre en défaut, tandis qu'en trois arguments je me charge de démolir le plus sacré de vos principes."

Cette fois on ne répondit pas. Mais comme on rentrait le soir deux par deux, chacun disait à son compagnon :

"Non, vraiment M. Rade va beaucoup trop loin. Il a un coup de marteau certainement. On devrait le nommer sous-chef à Charenton."