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la fin de sa vie, s’il découvrait le moyen de la fixer et de la garder dans son voisinage.

Or il était d’ordinaire habile à les dénicher partout autour de lui, les moyens dont il avait besoin.

Il connaissait depuis longtemps par des relations de conseil général, dont ils étaient membres tous les deux, de voisinage et de chasse, un de ses voisins, le comte de Brémontal, propriétaire du château du Bec à Sahurs, en face de La Bouille, à quelques kilomètres seulement de Dieppedalle. C’était un homme de vingt-huit ans, orphelin de père et de mère, maître d’une très belle fortune foncière, fort bien de sa personne, excellent cavalier et grand chasseur. Toute son ambition et son plaisir dans la vie consistaient à bien administrer ses vastes propriétés, à faire de l’élevage et de la culture. Il s’y entendait fort bien, animé par cet amour du terroir si fort dans les cœurs normands. Il avait de l’esprit, l’esprit du pays, un peu lourd, mais gai, et un air très comme il faut, même distingué, de gentilhomme campagnard, capable de faire bonne figure partout.

Boutemart le choya, le cajola, le séduisit, devint son ami, son compagnon de chasse et de plaisir. Ils dînèrent l’un chez l’autre souvent, et quand la jeune fille rentra tout à fait chez son père, elle y trouva cet agréable voisin installé presque comme chez lui.

Il lui parut fort bien. Elle lui sembla charmante. Montant tous les deux à cheval ensemble ils firent de longues excursions dans la forêt de Roumare, toujours suivis d’un groom pour respecter tous les préjugés.

On organisa des promenades, des parties de campagne, des fêtes champêtres avec toutes les familles convenables du pays. Il s’éprit d’elle enfin, fit sa cour et éveilla bientôt ce désir de plaire, de séduire, de conquérir, qui dort dans le cœur des jeunes filles. Elle