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Sa tante la vint chercher pour faire des promenades, la distraire, lui montrer la ville, les monuments, les musées. La cruelle mélancolie dont Germaine demeurait pénétrée depuis la mort de sa mère parut enfin s’atténuer un peu. Ses jolis yeux violets, aux paupières devenues souvent rouges de larmes par le souvenir de sa bien-aimée maman, retrouvèrent leur fraîcheur violette.

Cependant elle pensait beaucoup à la maison de Dieppedalle, au père resté seul, et elle regrettait l’espace, la campagne et la liberté.

Elle connut déjà cette petite nostalgie invincible des dépaysés, dont souffrent, quand ils sont emprisonnés dans les cités, par leur devoir ou leur profession, presque tous ceux dont les poumons, les yeux et la peau ont eu pour nourriture première le grand ciel et l’air pur des champs et dont les petits pieds ont couru d’abord dans les chemins des bois, les sentes des prés et l’herbe des rives. De même les enfants de Paris exilés en des professions ou des fonctions provinciales souffrent, toute leur vie, comme d’une privation physique, du besoin irrésistible des trottoirs et des grandes rues peuplées de monde.

Quand vint le moment des vacances, Germaine partit avec bonheur pour la Normandie ; et ce fut une peine pour son cœur, lorsque, à l’automne, elle revint à Paris. Elle y passa trois hivers, de seize à dix-neuf ans. M. Boutemart la reprit alors afin d’adoucir son isolement de veuf.

Puis un projet de mariage lui était venu pour sa fille. Il savait son goût prononcé pour la campagne où elle avait été élevée, et il trouvait lui-même un grand avantage, un avantage de bien-être, d’affection, de sentiment, de gâteries, d’égoïsme satisfait jusqu’à