Page:Maupassant - Œuvres posthumes, I, OC, Conard, 1910.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
282
ŒUVRES POSTHUMES.

hasard, en soirée avec cette Mme  de X… que ma maîtresse m’avait conseillé d’embrasser. Habitant le même quartier qu’elle, je lui proposai de la reconduire à sa porte, car elle était seule, ce soir-là. Elle accepta.

Dès que nous fûmes en voiture, je me dis : « Allons, il faut essayer », mais je n’osai pas. Je ne savais comment débuter, comment attaquer.

Puis, tout à coup, j’eus le courage désespéré des lâches. Je lui dis :

— Comme vous étiez jolie, ce soir.

Elle répondit en riant :

— Ce soir était donc une exception, puisque vous l’avez remarqué pour la première fois ?

Je restais déjà sans réponse. La guerre galante ne me va point décidément. Je trouvai ceci, pourtant, après un peu de réflexion :

— Non, mais je n’ai jamais osé vous le dire.

Elle fut étonnée :

— Pourquoi ?

— Parce que c’est… c’est un peu difficile.

— Difficile de dire à une femme qu’elle est jolie ? Mais d’où sortez-vous ? On doit toujours le dire… même quand on ne le pense qu’à moitié… parce que ça nous fait toujours plaisir à entendre…

Je me sentis animé tout à coup d’une audace fantastique, et, la saisissant par la taille, je cherchai sa bouche avec mes lèvres.

Cependant je devais trembler, et ne pas lui paraître si terrible. Je dus aussi combiner et exécuter fort mal mon mouvement, car elle ne fit que tourner la tête pour éviter mon contact, en disant :

— Oh ! mais non… c’est trop… c’est trop… Vous allez trop vite… prenez garde à ma coiffure… On n’embrasse pas une femme qui porte une coiffure comme la mienne !…