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Une Nuit chez les Sorciers

Si donc qu’un jour, mon défunt père, qui est mort, avait laissé la ville pas mal tard, pour s’en retourner chez nous ; il s’était même diverti, comme qui dirait, à pintocher tant soit peu avec ses connaissances de la Pointe-Lévis ; il aimait un peu la goutte le brave et honnête homme ! à telle fin qu’il portait toujours, quand il voyageait, un flacon d’eau-de-vie dans son sac de loup-marin ; il disait que c’était le lait des vieillards.

Si donc que quand mon défunt père voulut partir, il faisait tout à fait nuit. Ses amis firent alors tout leur possible pour le garder à coucher, en lui disant qu’il allait bien vite passer tout seul devant la cage de fer où la Corriveau faisait sa pénitence, pour avoir tué son mari.

Vous l’avez vue vous-mêmes, mes messieurs, quand j’avons quitté la Pointe-Lévis à une heure : elle était bien tranquille dans sa cage, la méchante bête, avec son crâne sans yeux ; mais ne vous y fiez pas : c’est une sournoise, allez, si elle ne voit pas le jour, elle sait ben trouver son chemin la nuit pour tourmenter le pauvre monde.