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Fulbert fut condamné à la confiscation de ses biens, et deux de ses complices subirent la peine du talion.

Héloïse, après ce fatal événement, se retira dans un couvent de femmes à Argenteuil, près Paris. Abailard se livra à l’étude de la théologie, et publia plusieurs ouvrages ; l’un d’eux éveilla l’attention de saint Bernard, qui aspirait à la réputation de docteur de l’Église. Abailard se défendit ; mais peut-être ne mit-il pas dans ses réponses la mesure et les égards que commandait l’irascibilité de son redoutable antagoniste : celui-ci l’accabla de toute la supériorité de sa position, et Abailard fut forcé de se rétracter.

Ces disputes eussent peut-être eu des suites funestes pour Abailard, si Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, ne se fût porté médiateur entre lui et saint Bernard.

Abailard avait fait bâtir une petite chapelle, mais bientôt après il la fit agrandir, et l’ayant convertie en monastère, il y appela Héloïse, qui vint s’y établir avec dix religieuses d’Argenteuil. Elle en fut la première abbesse : lorsqu’elle y fut installée, il se retira à son abbaye de Saint-Gildas.

Abailard mourut en 1143. Il avait demandé à Pierre-le-Vénérable de faire transporter son corps au Paraclet. Ce ne fut que plusieurs années après sa mort que ce religieux le conduisit au couvent d’Héloïse et le lui remit.

Elle survécut vingt ans à son époux, et fut inhumée à côté de lui, dans la même tombe, ainsi qu’elle l’avait ordonné à ses religieuses.

Une lettre d’Abailard à un de ses amis tombée entre les mains d’Héloïse, devint l’occasion d’une correspondance intime entre ces deux époux. Ces lettres, dont quelques unes ont été retrouvées, sont en latin. Pope en a traduit deux en anglais : elles ont été imitées en vers par Dorat et d’autres poètes, mais Colardeau est celui dont la traduction peut seule soutenir la comparaison avec celles de Pope. Ces ouvrages sont autant dans la bibliothéque que dans la mémoire des hommes de goût.

Le monument d’Abailard et d’Héloïse, qui, par son aspect, paraît avoir été élevé dans le douzième siècle, est néanmoins une construction moderne (le tombeau excepté).

M. Alexandre Lenoir, profond archéologue et conservateur du Musée des Monumens Français y fit exhumer à Nogent-sur-Seine, en 1800, les dépouilles mortelles d’Héloïse et d’Abailard, et avec des matériaux provenant de la démolition de l’abbaye du Paraclet, il fit exécuter sous sa direction au Musée situé alors aux Petits-Augustins, le monument tel qu’on le voit aujourd’hui, et où les pierres de l’ancien édifice démoli furent placées par une ingénieuse combinaison comme si elles