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Bourdonnais fit à Dupleix les 12 et 13 septembre 1744 de l’intéresser pour moitié dans les coups d’éclat qu’il pourrait entreprendre.

Nous ne pousserons pas plus loin cette discussion qui touche surtout à la vie de la Bourdonnais et qui appartient à son histoire. Nous concluerons seulement en rappelant que ce pénible problème n’eut pas surgi si, au moment de la prise de Madras, la Bourdonnais s’était entendu avec Dupleix comme l’exigeaient nos intérêts, et comme il se le devait à lui-même, si un « jurisme » de mauvais aloi n’avait obscurci son entendement.

Mais où le jurisme ne peut-il pas mener les individus et même les peuples ? il est la source des pires erreurs. Le grand mérite de Dupleix est d’avoir compris que, quelles que fussent les instructions de son rival et quelques ordres du ministre qu’on pût lui montrer, il est des circonstances où l’on ne doit pas les interpréter à la lettre. En homme politique avisé et clairvoyant, il apprécia très justement que c’était une folie de rendre Madras aux Anglais et une folie plus grande encore d’y consentir sans autres garanties que leur parole ou des billets chimériques. Il savait ce que valent leurs engagements et combien un homme d’État, quel qu’il soit, a le tort de s’y fier et d’y accommoder sa conduite.

Et c’est peut-être parce qu’il avait cette conception supérieure des choses qu’il arriva à intimider la Bourdonnais. C’est pourquoi, dans la riposte, celui-ci se montra toujours très modéré et de guerre lasse se résolut à accepter les capitulations de pure forme qui lui furent proposées pour sauver son amour-propre. Tant il est vrai que les volontés fortes et clairvoyantes finissent toujours par dominer les situations !