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Au début, les ministres français et la Compagnie pensèrent de bonne foi que, suivant les précédents de la guerre de succession d’Espagne, les hostilités pourraient être localisées en Europe et ne seraient pas transportées dans l’Inde où les Européens n’occupaient que de faibles territoires. La Bourdonnais qui se trouvait alors en France, représenta au contraire au ministre Orry, contrôleur général des finances, que même en admettant le désir des compagnies d’observer la neutralité, elles seraient nécessairement entraînées dans la guerre par les capitaines de vaisseaux des marines royales qui, sans respect pour les traités particuliers, ne sauraient résistera la tentation d’arrêter les vaisseaux de commerce et de faire des prises fructueuses. Orry se laissa convaincre et, sans demander l’opinion des directeurs, décida dans le plus grand secret d’armer une flotte composée de deux vaisseaux du roi et de cinq vaisseaux de la Compagnie, dont il confia le commandement à La Bourdonnais, nommé capitaine de frégate. Cette escadre ne pouvait naturellement être chargée d’une mission militaire effective, puisque la paix n’était pas rompue ; elle ne devait pas davantage précipiter les événements par une attaque brusquée ; mais on calculait que, si la guerre venait à se déclarer, elle se trouverait sur les lieux pour partir immédiatement en course et ruiner en un instant le commerce de l’ennemi. Quant aux établissements anglais, la Bourdonnais reçut au moment de son départ des ordres verbaux ou secrets, les uns pour ne les attaquer qu’avec une sorte de certitude de succès et les autres pour n’en conserver aucun, si on les prenait. La guerre devait être surtout maritime (Mémoire, p. 59).

Pour donner de pareilles instructions, il fallait que le ministre comptât beaucoup sur l’imminence des hostilités ; autrement que pouvait faire dans l’Inde une flotte con-