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est aujourd’hui complètement discréditée. Il en est de même des conjectures, dénuées de fondement, qui ont attribué cet honneur au poète Klingsor, de Hongrie. L’existence de ce poète n’est plus désormais qu’une fable ingénieuse. Le XVIe et le XVIIe siècle paraissent avoir ignoré complètement ce legs glorieux de la vieille poésie allemande, comme aussi ils ne savaient rien ou ne voulaient rien savoir de l’antique splendeur, de l’antique puissance de l’Allemagne. C’est seulement vers le milieu du siècle dernier que J. J. Bodmer découvrit deux manuscrits (le poème entier des Nibelûngen) dans le château du comte d’Ems, et qu’il publia l’un d’eux sous ce titre : Vengeance de Chriemhilt. Plus tard, le suisse Müller, professeur à Berlin, fit paraître le poëme intégral sous le titre de Nibelûngenlied (Chant des Nibelûngen), titre qu’il a conservé depuis. Le grand Frédéric, dont, comme on sait, le goût littéraire était obstinément français à la suite de Voltaire, accueillit l’édition par ce billet décourageant adressé à Müller : « Vous avez sur de pareilles choses une opinion beaucoup trop favorable ; mon avis est qu’elles ne valent pas une charge de poudre, et je ne voudrais pas les conserver dans ma bibliothèque. » Schiller, dans ses trois fameuses strophes sur la poésie allemande, devait bientôt venger l’épopée germanique de ces dédains inintelligents du grand roi. Müller ne se laissa pas abattre par cet échec. Le moment approchait où ses idées allaient recevoir une éclatante réparation. Il fallait l’ébranlement de la nationalité allemande pour tourner vers les souvenirs les sympathies générales. C’est ce qui arriva en 1813. Les Nibelûngen devinrent alors le saint livre, et les