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pour nous qu’un antique appareil de guerre que l’histoire de la philosophie recueille et expose à nos regards, comme dans un musée, et dont on est quelquefois tenté de sourire, bien que ces armes vieillies aient été la terreur d’un autre âge. Ce n’est pas que l’épicurisme ait entièrement dis- paru du monde et qu’il n’ait gardé des fidèles, mais il n’est plus une doctrine; ce n’est plus qu’un nom convenu dont on décore une élégante maladie de l’âme. Aujourd’hui on n’est plus épicurien à la façon de Lucrèce; on l’est par caractère, par tem- pérament, par habitude. L’épicurien de nos jours se passe volontiers de raisonnements et ne songe guère à se faire des dogmes; il professe de n’en point avoir, il fait gloire de ne relever d’aucun maître, de peur de rencontrer un joug incommode. Il n’est pas non plus enthousiaste, comme Lucrèce, et ne pense pas à faire des prosélytes; il se contente parfaitement de son propre bonheur, sans prétendre encore faire le bonheur d’autrui, et, s’il est parvenu à cette indifférence exquise qui est sa félicité su- prême, ce n’est pas qu’il se soit attardé dans les sévères jardins d’Épicure, il s’est tout simplement assoupi sur le mol oreiller de Montaigne. Quoique l’épicurisme, sous sa forme dogmatique, soit aujourd’hui abandonné, ce n’est pas à dire que le Poème de la Nature ne soit qu’un brillant tissu d’erreurs et que nous n’aurons dans notre étude