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mains vers le ciel, en appeloient sur lui les bénédictions ; et lui, répondant à leurs vœux par des larmes d’amour qui présageoient peut-être le malheur qui nous menaçoit : telles étoient les scènes que me présentoient ces vacances.

Celles de Pâques étoient un peu plus longues ; et, lorsque le temps étoit beau, elles me permettoient quelques dissipations. J’ai déjà dit que, dans ma ville, l’éducation des jeunes gens étoit soignée ; leur exemple étoit pour les filles un objet d’émulation. L’instruction des uns influoit sur l’esprit des autres, et donnoit à leur air, à leur langage, à leurs manières, une teinte de politesse, de bienséance et d’agrément que rien ne m’a fait oublier. Une liberté innocente régnoit parmi cette jeunesse. Les filles, les garçons, se promenoient ensemble, le soir même, au clair de la lune. Leur amusement ordinaire étoit le chant, et il me semble que ces jeunes voix réunies formoient de doux accords et de jolis concerts. Je fus d’assez bonne heure admis dans cette société ; mais, jusqu’à l’âge de quinze ans, elle ne prit rien sur mes goûts pour l’étude et la solitude. Je n’étois jamais plus content que lorsque, dans le jardin d’abeilles de Saint-Thomas, je passois un beau jour à lire les vers de Virgile sur l’industrie et la police de ces républiques laborieuses que faisoit prospérer l’une des tantes de ma mère, et dont, mieux que Virgile