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lui racontant ; et, au moment où je lui montrai l’un de ses écoliers prêt à être forcé de subir la peine du fouet, je vis son visage et ses yeux s’enflammer d’indignation ; mais, après en avoir frémi, tâchant de déguiser sa colère par un sourire : « Que ne lui criois-tu, me dit-il, sum civis romanus ! — Je m’en suis bien gardé, lui répondis-je ; j’avois affaire à un Verrès. »

Cependant, pour n’avoir aucun reproche à essuyer, le P. Balme fit pour nous retenir tout ce qu’exigeoit son devoir ; raisons et sentimens, il mit tout en usage. Ses efforts furent inutiles : il ne nous en estima pas moins, et il m’en aima davantage. « Mon enfant, me dit-il tout bas, dans quelque collège que vous alliez, mon attestation peut vous être de quelque utilité ; ce n’est pas ici le moment de vous l’offrir ; mais, dans un mois, venez la prendre ; je vous la donnerai sincère et de bon cœur. » Ainsi finit ma rhétorique.

J’eus donc, cette année-là, d’assez longues vacances ; mais, bien heureusement, je trouvai dans ma ville un ancien curé de campagne, mon parent quoique d’un peu loin, homme instruit, qui me fit connoître la Logique de Port-Royal, et qui de plus se donna la peine de m’exercer à parler latin, ne voulant dans nos promenades employer avec moi que cette langue-là, qu’il parloit lui-même aisément. Cet exercice fut pour moi un avantage