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fut l’étonnement de tout le collège au bruit imprévu et soudain de ce concert de voix. Notre régent accourut le premier, le préfet descendit, le principal lui-même s’avança gravement jusqu’à la porte de la classe. La porte étoit fermée, et ne s’ouvrit qu’après que le Te Deum fut chanté ; alors, rangés en demi-cercle, les petits à côté des grands, nous nous laissâmes aborder. « Quel est donc ce tapage ? nous demanda le violent préfet en s’avançant au milieu de nous. — Ce que vous appelez un tapage n’est, lui dis-je, mon père, qu’une action de grâce que nous rendons au Ciel d’avoir permis que, sans tomber entre vos mains, nous ayons achevé nos premières études. » Il nous menaça d’informer nos familles de cette coupable révolte ; et, en me regardant d’un œil menaçant et terrible, il me prédit que je serois un chef de faction. Il me connoissoit mal : aussi sa prédiction ne s’est-elle pas accomplie. Le principal, avec plus de douceur, voulut nous ramener ; mais nous le suppliâmes de ne pas insister contre une résolution qu’un serment avoit consacrée, et notre bon régent resta seul avec nous : oui, bon, je lui dois cet éloge ; et, quoique d’une trempe d’âme moins flexible et moins douce que celle du P. Malosse, il lui étoit comparable au moins par la bonté. Selon l’idée que l’on s’est faite du caractère politique de cette société si légèrement condamnée et