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MÉMOIRES DE MARMONTEL

de saint Pierre, sa fête, que Durif, notre camarade, nous donnoit à dîner : tout occupé à bien régaler ses amis, il n’avoit pu finir les devoirs de la classe, et l’amplification étoit ce qui l’inquiétoit le plus. Je crus permis et juste de lui en éviter la peine ; et je m’offris à travailler pour lui, tandis qu’il travailloit pour nous. »

Il y avoit au moins deux coupables ; le régent n’en voulut voir qu’un, et son dépit tomba sur moi. Confus, étourdi de colère, il fit appeler le correcteur pour me châtier, disoit-il, comme je l’avois mérité : au nom du correcteur, je faisois mon paquet de livres et j’allois quitter le collège. Dès lors plus d’études pour moi, et mon destin changeoit de face ; mais ce sentiment d’équité naturelle qui, dans le premier âge, est si vif et si prompt, ne permit pas à mes condisciples de me laisser abandonné. « Non, s’écria toute la classe, ce châtiment seroit injuste, et, si on l’oblige à s’en aller, nous nous en allons tous. » Le régent s’apaisa, et il m’accorda mon pardon, mais au nom de la classe, en s’autorisant de l’exemple du dictateur Papirius.

Tout le collège approuva sa clémence, à l’exception du préfet, qui soutint que c’étoit un acte de foiblesse, et que contre la rébellion jamais il ne falloit mollir. Lui-même, un an après, il voulut exercer sur moi cette rigueur dont il faisoit une