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MÉMOIRES DE MARMONTEL

tardifs ; moi-même bien souvent je me sentois tirer de mon lit encore endormi ; et, si depuis j’ai eu dans l’organe de la mémoire un peu plus de souplesse et de docilité, je le dois à cet exercice.

L’esprit d’ordre et d’économie ne distinguoit pas moins que le goût du travail notre police scolastique. Les nouveaux venus, les plus jeunes, apprenoient des anciens à soigner leurs habits, leur linge, à conserver leurs livres, à ménager leurs provisions. Tous les morceaux de lard, de bœuf ou de mouton que l’on mettoit dans la marmite, étoient proprement enfilés comme des grains de chapelet ; et, si dans le ménage il survenoit quelques débats, la bourgeoise en étoit l’arbitre. Quant aux morceaux friands qu’à certains jours de fêtes nos familles nous envoyoient, le régal en étoit commun, et ceux qui ne recevoient rien n’en étoient pas moins conviés. Je me souviens avec plaisir de l’attention délicate qu’avoient les plus fortunés de la troupe à ne pas faire sentir aux autres cette affligeante inégalité. Lorsqu’il nous arrivoit quelqu’un de ces présens, la bourgeoise nous l’annonçoit ; mais il lui étoit défendu de nommer celui de nous qui lavoit reçu, et lui-même il auroit rougi de s’en vanter. Cette discrétion faisoit, dans mes récits, l’admiration de ma mère.

Nos récréations se passoient en exercices à l’an-