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MÉMOIRES DE MARMONTEL

de quatre à cinq louis par an. C’étoit beaucoup pour lui, et il me tardoit de lui épargner cette dépense.

Le lendemain de mon arrivée, comme je me rendais le matin dans ma classe, je vis à sa fenêtre mon régent, qui, du bout du doigt, me fit signe de monter chez lui. « Mon enfant, me dit-il, vous avez besoin d’une instruction particulière et de beaucoup d’étude pour atteindre vos condisciples ; commençons par les élémens, et venez ici, demi-heure avant la classe, tous les matins, me réciter les règles que vous aurez apprises ; en vous les expliquant, je vous en marquerai l’usage. » Je pleurai aussi ce jour-là, mais ce fut de reconnoissance. En lui rendant grâces de ses bontés, je le priai d’y ajouter celle de m’épargner, pour quelque temps, l’humiliation d’entendre lire à haute voix mes thèmes dans la classe. Il me le promit, et j’allai me mettre à l’étude.

Je ne puis dire assez avec quel tendre zèle il prit soin de m’instruire et quel attrait il sut donner à ses leçons. Au seul nom de ma mère, dont je lui parlois quelquefois, il sembloit en respirer l’âme ; et, quand je lui communiquois les lettres où l’amour maternel lui exprimoit sa reconnoissance, les larmes lui couloient des yeux.

Du mois d’octobre, où nous étions, jusqu’aux fêtes de Pâques, il n’y eut point pour moi ni amu-