Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

collèges voisins, leur colonie se distinguoit ; mais ils revenoient dans leur ville, comme un essaim d’abeilles à la ruche après le butin.

J’avois appris à lire dans un petit couvent de religieuses, bonnes amies de ma mère. Elles n’élevoient que des filles ; mais, en ma faveur, elles firent une exception à cette règle. Une demoiselle bien née, et qui, depuis longtemps, vivoit retirée dans cet hospice, avoit eu la bonté d’y prendre soin de moi. Je dois bien chérir sa mémoire et celle des religieuses, qui m’aimoient comme leur enfant.

De là je passai à l’école d’un prêtre de la ville, qui, gratuitement et par goût, s’étoit voué à l’instruction des enfans. Fils unique d’un cordonnier, le plus honnête homme du monde, cet ecclésiastique étoit un vrai modèle de la piété filiale. J’ai encore présent l’air de bienséance et d’égards mutuels qu’avoient l’un avec l’autre le vieillard et son fils, le premier n’oubliant jamais la dignité du sacerdoce, ni le second la sainteté du caractère paternel. L’abbé Vaissière (c’étoit son nom), après avoir rempli ses fonctions à l’église, partageoit le reste de son temps entre la lecture et les leçons qu’il nous donnoit. Dans le beau temps, un peu de promenade, et, quelquefois, pour exercice une partie de mail dans la prairie, étoient ses seuls amusemens. Il étoit sérieux, sévère, et d’une figure