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dans le caractère, et que la raison même et l’âge n’ont jamais assez amollie.

Bort, situé sur la Dordogne, entre l’Auvergne et le Limosin, est effrayant au premier aspect pour le voyageur, qui, de loin, du haut de la montagne, le voit au fond d’un précipice, menacé d’être submergé par les torrens que forment les orages, ou écrasé par une chaîne de rochers volcaniques, les uns plantés comme des tours sur la hauteur qui domine la ville, et les autres déjà pendans et à demi déracinés ; mais Bort devient un séjour riant lorsque l’œil, rassuré, se promène dans le vallon. Au-dessus de la ville, une île verdoyante que la rivière embrasse, et qu’animent le mouvement et le bruit d’un moulin, est un bocage peuplé d’oiseaux. Sur les deux bords de la rivière, des vergers, des prairies et des champs cultivés par un peuple laborieux, forment des tableaux variés. Au-dessous de la ville le vallon se déploie d’un côté en un vaste pré que des sources d’eau vive arrosent, de l’autre en des champs couronnés par une enceinte de collines dont la douce pente contraste avec les rochers opposés. Plus loin, cette enceinte est rompue par un torrent qui, des montagnes, roule et bondit à travers des forêts, des rochers et des précipices, et vient tomber dans la Dordogne par une des plus belles cataractes du continent, soit pour le volume des eaux, soit pour la hauteur