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PRÉFACE

pas tout à fait exact, — ne fût pas privée du juste hommage qui lui était dû. L’Institut national à Paris, les Lycées, qui reprenaient en province la succession des Académies jadis si nombreuses, s’efforçaient alors de rattacher le passé au présent en évoquant publiquement le souvenir des membres dont les noms brillaient sur leurs anciennes listes. C’est ainsi que, dès le 30 germinal an VIII {20 avril 1800), le citoyen Taverne lut devant le Lycée de Toulouse un Éloge de l’ancien lauréat des Jeux floraux, dont il n’y a guère à tirer qu’une anecdote plus ou moins controuvée[1] : Elle ne souleva, il est vrai, pas plus de

  1. « Natif de Bort en Limousin, et d’une famille obscure et pauvre, Marmontel fut dès l’enfance placé chez un curé qui était son parent, et qui lui apprit un peu de latin. Ne s’étant pas bien comporté chez cet ecclésiastique, son père lui fit apprendre le métier de tailleur. Il vint à Toulouse et entra en qualité de garçon chez Lamanière, tailleur des jésuites. Un jour, en portant un habit à un pensionnaire, il le trouva occupé à un thème dont il ne pouvait venir à bout. Marmontel s’approcha, lut l’ouvrage de l’enfant, et lui fit connaître ses fautes. « Puisque vous savez le latin, lui dit l’écolier, faites-moi le plaisir d’arranger ce thème, » Marmontel fit des corrections élégantes. Le préfet de l’enfant, peu accoutumé à tant de perfection de sa part, lui dit : « Mon ami, qui a fait ce thème ? — Le garçon tailleur, répondit l’enfant. — Oh ! parbleu, je veux le connaître, dit le jésuite. » Il le mande, lui parle, est satisfait de lui, et lui propose de reprendre ses études. Marmontel y consent, et, pour lui donner les moyens de subsister, il le place en qualité de précepteur dans une maison bourgeoise. Dès lors, il prit un : goût décidé pour les belles-lettres, et,